À l’occasion de sa visite à Alger, David Cameron a souligné la détermination du Royaume-Uni à aider l’Algérie dans sa lutte antiterroriste. « Lorsque le terrorisme se développe dans différentes parties du monde, il atteint nos peuples et nos intérêts non seulement dans ces parties du monde, mais également chez nous, dans notre pays », a-t-il déclaré.
Plus de quinze jours après son « coup de gueule » concernant la gestion de l’attaque du site gazier d’Ain Amenas par les militaires algériens, Mr. Cameron rend visite à l’Algérie officielle pour décider de la stratégie sécuritaire à suivre dorénavant. Le Premier ministre britannique est clair : « ce sont nos intérêts britanniques que je viens protéger, avant tout », et si par la même occasion il est possible de conclure quelques affaires juteuses, why not.
Voila qui va « rassurer » ceux qui craignent que les entreprises étrangères – notamment dans le domaine des énergies si nécessaire à nos « amis » du Nord – se fassent rares dans les prochains temps en Algérie. Il faut se pincer pour y croire. Certains soutiennent que les multinationales vont se priver du marché algérien en particulier dans le domaine du gaz et du pétrole, en raison de la récente prise d’otages et de sa gestion pour le moins musclée. Ces entreprises nées pour le profit se risqueraient à quitter le pays parce qu’elles auraient peur pour leurs employés. La visite du Premier ministre britannique estompera cette peur et laissera place à des perspectives heureuses… pour ces entreprises en premier lieu.
Je note que l`Algérie officielle, qui recevait Mister Cameron dans l’urgence, n’a pas jugé nécessaire de rétorquer aux deux articles parus dans le journal britannique The Guardian, lesquels nous présentent, nous, les Algériens, comme un peuple de sauvages dont seule la violence serait le crédo. Des écrits qui, assurément, fleurent bon le racisme colonial.
Qu’à cela ne tienne, nous n’en sommes pas à la première gifle acceptée par nos autorités et avons depuis longtemps appris à nous défendre sans eux.
Madame Ramdani, Monsieur Black, vous qui nous analysez depuis vos bureaux londoniens, sachez que si la violence fait certes partie de notre histoire, entre autres choses. C`est aussi le cas de tous les pays ou presque, y compris le vôtre. Ce n’est pas parce que vos aïeux ont massacré les Indiens, les Noirs, les Indous, les Aborigènes, et que l’un de vos souverains d’une lointaine époque réprimait les juifs du Royaume pour ne pas avoir à payer ses dettes auprès d’eux, que des journalistes algériens devisent sur votre histoire violente, brutale, voir féroce. Je ne me permets pas pour autant, dans une analyse réductrice et discriminatoire fondée sur de courtes vues historiques, de vous cataloguer arbitrairement comme une bande de sauvages.
C`est un fait, l’Algérie comme tant de pays d’Afrique subît depuis très longtemps la violence venue de toutes parts. Les « civilisateurs » se sont présentés avec leurs lots de brutalités coloniales. Les régimes en place actuellement, que vos états « démocratiques » soutiennent depuis toujours, faisant fi de la Liberté, des Droits Humains et de la Justice sociale, se permettent de réprimer, de tuer, de faire disparaître leurs citoyens depuis une cinquantaine d`année. Mais le feraient-ils sans la connivence des dirigeants européens, sans le désintérêt des populations du Nord ?
Oui, la violence fait partie de nos histoires. Des formes de violences diverses, en fait, sont produites et reproduites parce que nos régimes ont de tout temps remplacé les solutions politiques pacifiques par les solutions à court terme (solutions militaires ou/et autoritaires de préférence).
Il y a par contre un temps où la violence utilisée ne peut être remise en cause, et où c’est le temps de lutter pour la libération du pays. Le colonisateur français ne voulait pas écouter les cris des dirigeants nationalistes Algériens et du peuple, n’en faisait qu’à sa tête en réprimant toutes velléités de parole libre. Il utilisait les pires violences à l’encontre des Algériens durant sa longue occupation de 132 années. En vérité, cet intrus colonisateur au passé tout aussi « féroce » que le nôtre n’a fait que semer les graines de la guerre de libération, entamée en novembre 1954 afin de soutenir la lutte politique et diplomatique des Algériens pour leur émancipation. Même si durant cette période beaucoup d’exactions furent commises par tous, cette longue nuit de violence avait été rendue nécessaire pour libérer le pays et son peuple. Elle était légitime.
Madame, Monsieur, journalistes du Nord qui nous caricaturez, sachez que je ne suis ni journaliste, ni anthropologue, ni sociologue et encore moins historien. Je suis un citoyen, engagé diraient certains, militant diraient d’autres, les deux sont justes. Je vis sur la terre d’Afrique, et je m`y active pour que les injustices soient moins nombreuses dans nos vies et moins coûteuses pour l’avenir de nos enfants. Il ne s’agit nullement de dire que vous êtes coupables, même si vous l’êtes. Il ne s’agit pas plus de dire que nos gouvernants le sont, même s’ils le sont. Il ne s’agit encore moins de dire que nous citoyens, actifs et autres, avons notre part de responsabilité, même si nous en avons. Il ne s’agit que de répondre à vos accusations. Car c`est bien d`accusations dont il s`agit.
Je m’élève contre vos lignes mensongères et insultantes, contre votre tendance pernicieuse à réduire nos histoires, notre histoire à une succession de cycles de violences. Vous éludez, sciemment ou inconsciemment, la partie de l`histoire où l`Algérie a construit, enseigné, formé, soigné, produit des écrits, des films. Vous passez systématiquement sous silence (pourquoi donc?), la partie « constructive » de notre histoire, car elle existe ! Cela est pour le moins troublant. C`est pour ainsi-dire de la « triche » vis-à-vis de vos propres lecteurs. En revanche, cela va totalement dans le sens de la politique de Mister Cameron et des Misters de chez nous. Cela légitime la propension des uns et des autres à nous traiter comme des enfants, à bafouer nos droits et à spolier nos richesses.
Il ne s`agit aucunement ici d`un sursaut de ce nationalisme étroit qui a fait tant de mal. Il est plutôt question de dénoncer certains mensonges, de rappeler certains faits, pour que la vérité « médiatique » soit un peu plus vraie. Car quelles que soient les violences qu`ils ont subies à travers l`histoire, il n’en reste pas moins que ces peuples sauront tôt ou tard comme ils l’ont toujours fait, se relever, car ils existent, car ils résistent.
Madame, Monsieur, sachez que « Vous aurez beau coupé toutes les fleurs, vous n’empêcherez pas l’arrivé du printemps. »